S’il est un lieu où tout le « siècle d’Auguste » vient se résumer, avec toute sa lyre et ses couleurs contrastées, c’est bien dans les Fables, où Virgile, Horace, les élégiaques, retrouvent leur voix sous celle de Phèdre et d’Esope, et où Ovide, qui a chanté tant de métamorphoses d’hommes en animaux, revient avec une tout autre séduction alexandrine que chez Benserade ou chez Du Ryer. Lieu d’affleurement de tant de richesses contradictoires de la tradition poétique française, les Fables s’offrent en outre le luxe de réverbérer dans toute leur diversité les saveurs de la poésie romaine à son point de suprême maturité. Il y a bien quelque chose de pantagruélique dans l’art de La Fontaine, le plus érudit de notre langue ; mais ce qui se voyait chez Rabelais, ce qui était voyant chez Ronsard, s’évapore chez lui en une essence volatile et lumineuse, où des visions dignes d’Homère apparaissent, et ne se dissipent pas. Le génie d’une langue et celui d’une culture millénaire se concentrent ici en un point où la justesse de la voix et celle du regard suffisent à tout dire d’un mot.
Marc Fumaroli.
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